Fibre et FumÉe

L - LES Deux versants du chanvre

La tige de toutes les variétés de chanvre, qu’elles soient ou non riches en THC (son principe psychoactif) contient des fibres très résistantes. Ces fibres ont fait du chanvre un élément essentiel de notre économie, jusqu’à la fin de la marine à voile ; il fallait en effet des dizaines de tonnes de chanvre pour les voiles et cordages d’un seul navire.

De plus, en Europe, le chanvre a lontemps été, avec le lin et la laine, la seule fibre localement disponible pour la confection de vêtements [au fond, gravure de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert détaillant le broyage et peignage de la tige, pour en extraire la filasse ; devant, de gauche à droite, tige de chanvre partiellement broyée, filasse, ficelle, toile et papier de chanvre]. Dès le XVIIIe siècle, le chanvre est graduellement remplacé par le coton américain, bon marché, car ce sont les esclaves ou leurs descendants qui travaillent dans les plantations; puis, après la Seconde Guerre mondiale, par les fibres synthétiques.

En outre, la graine de chanvre est très riche en huile. L’huile de chanvre a longtemps été utilisée dans les lampes à huile ainsi que pour la fabrication du « savon noir » (aujourd’hui remplacé par les détergents issus du pétrole). De plus, l’huile de chanvre présente — comme l’huile de lin —la particularité de sécher à l’air libre, si bien qu’elle a constitué pendant des siècles la base des peintures et vernis.

Ceux qui récoltaient le chanvre textile savaient — sans y attacher d’importance particulière — que ce travail pouvait entraîner une sorte d’ivresse. Les « sorcières » — ces paysannes qui maîtrisaient si bien la connaissance des plantes et de leurs effets que l’Église en prit ombrage et les fit brûler par dizaines de milliers — connaissaient également ces effets.

Cependant, les utilisations psychotropes du chanvre n’ont réellement fait surface dans la société européenne qu’à partir de la seconde moitié du xixe siècle, suite aux guerres de conquête colonisatrice en Égypte et en Inde.

Aux États-Unis, l’habitude de fumer le chanvre, ou « marijuana » est arrivée, vers la fin du xixe siècle, avec les travailleurs saisonniers mexicains et les marins en provenance des îles Caraïbes. Son usage s’est d’abord implanté dans le port de la Nouvelle-Orléans, en particulier parmi les musiciens noirs qui inventaient le jazz.

Ce sont les beatniks qui ont fait pénétrer la marijuana dans la société blanche, où elle a littéralement explosé avec le mouvement hippie, dans les années 1960.

Vers 1970, les gouvernements occidentaux, dont la France, alarmés par cet état de fait, ont voté des lois répressives, encore en vigueur aujourd’hui, alors qu’un jeune sur trois consomme occasionnellement du chanvre sous forme d’herbe ou de haschich.

À l’heure actuelle, seules les variétés de chanvre contenant moins de 0,2 % de THC sont légales dans la Communauté européenne, alors que les variétés psychotropes en contiennent couramment de 4 à 15 % •

© Le musée du Fumeur