Amérique latine

B - Le tabac,
plante des dieux

Christophe Colomb débarquant aux Amériques (en réalité sur l’île aujourd’hui nommée Hispaniola, qui comprend Haïti et Saint-Domingue) eut la surprise de découvrir des hommes bruns, à moitié nus, aspirant la fumée de gros rouleaux de feuilles incandescents. Colomb découvrait à la fois le tabac et l’acte de fumer lui-même, qui devaient, en deux siècles, se répandre ensemble sur la terre entière [à gauche, reproduction d’une gravure du moine André Thévet, qui fut le premier Français à découvrir le tabac et à le faire connaître dans le royaume de France vers 1560 — avant même Jean Nicot qui donna son nom à la nicotine].

En Amazonie, le tabac est consommé de multiples manières, fumé mais également absorbé sous forme de boissons, lavements etc., seul ou en association avec d’autres techniques comme le jeûne. Lors de son initiation, le futur chamane (ou homme médecine) absorbe d’énormes quantités de tabac qui l’entraînent au-delà du réel (les doses massives de nicotine absorbées peuvent parfois entraîner une mort accidentelle). Pendant que le corps de l’apprenti chamane gît inerte, son esprit atteint le monde surnaturel.

De son voyage initiatique, le chamane rapporte des enseignements qui vont donner sens et direction à sa vie. Par la suite, il absorbera également du tabac mais en dose moindre dans les rituels de guérison, où la fumée joue un double rôle, étant à la fois un remède pour le patient et un guide pour le chamane.

Au Mexique, chez les anciens Mayas, dans les premiers siècles de notre ère, le tabac occupait également une place prépondérante, comme en témoignent les bas-reliefs représentant des dieux fumeurs de cigare. Aujourd’hui, certaines tribus amazoniennes et les Lacandons (descendants actuels des Mayas) fument parfois des cigares de près d’un mètre de long, maintenus à l’horizontale à l’aide d’une petite fourche [au centre, fourche à cigare originaire du sud-ouest du Brésil ; à droite, une pipe non coudée utilisée par les Indiens du Matto Grosso au Brésil, visible aussi sur la photographie au fond ; devant, une « carotte » de tabac chamanique entamée — serrées dans une liane, les feuilles durcissent en séchant et sont découpées en rondelles pour l’utilisation].

Le tabac des rituels chamaniques appartient en général à des variétés plus riches en nicotine que celles qui sont utilisées dans les produits tabagiques industriels. Chez nous, la loi fixe la quantité maximale de nicotine admise par cigarette, tout en autorisant de nombreux additifs. La cigarette, telle que nous la connaissons, donne fréquemment lieu à une consommation compulsive, à la chaîne, sans permettre l’intoxication aiguë qui va de pair avec l’expérience initiatique •

© Le musée du Fumeur